J'ai pris un peu de terre entre mes mains & j'ai laissé cette terre glisser vers le désastre Ce qu'il en restait encore de cette terre Au bout de mes doigts je l'ai regardé Avec le regard vide du souvenir J'ai mis un peu de cette terre sur ma langue Pour me ressouvenir de la terre & de ses spectres Mais il ne restait plus rien Cette terre avait le goût du métal & du sang Plus rien & de la terre & de ses spectres Mais la terre continuait à s'effriter Sur ma langue sur les villes & sur leurs certitudes Comme toutes les autres terres Malgré le métal & malgré le sang J'ai dit ceci n'est pas terre car ceci est ma terre & j'ai tendu ma main vers l'inconnu Mais l'inconnu ne m'a pas répondu Il était le métal & le sang entre mes mains & il portait avec lui mes songes De cendre & de déchets Il y eut un bruit sourd Des imprécations & des hommes Mes songes d'une terre sans terres À celle-ci je n'appartiendrai jamais Que restera-t-il à déterrer d'entre mes songes Je n'appartiens qu'au vent La poussière peut bien emporter Dans sa course ce que je cache d'espoir Je préfère l'érosion À toute sédimentation Cette terre s'effritera Comme toutes les autres terres Toujours sous le poids du ciel & je ne serai pas avec elle Ni le métal ni le sang Ni le souvenir ni son enfouissement À la cendre aux déchets À ce que je fus & à ce que je suis À mes spectres sous la terre Avec le vent avec le ciel Je ne réponds Car je ne réponds plus qu'au silence Je dépose une pierre sur d'autres pierres J'y vois des miroirs & des miroirs de nuages Qui vont Malgré mais avec & avec moi avec l'air du soir Air sec des atomes catastrophés En deçà de nos territoires Sous le vert des radars & des drapeaux Là où la carte demeure sans frontières & là Dans l'enfouissement de mes lamentations Qu'à la poussière seule Encore je ne réponds Avec ce qu'il reste De moi de l'autre L'impossible nous Les faisceaux L'électron l'électrique L'élection des peurs Avec cette terre sans moi sans nous L'autre qui s'effrite Qui ne s'effrite De nous & Nous sombrons

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