Nous la peau de nuit Nous les nuisibles Nous le hurlement jusqu'à l'étouffement Nous l'étouffement & ses identités troubles Nous l'absence de visage sous la bavure Nous la saignée des sangs sales Nous l'oubli du rire dans le sang sale des dents cassées Nous du tout au bout de la matraque Nous dans le défaut de notre histoire nôtre Nous en offrande à l'œil des faisceaux Nous la virtualité de notre chair Nous la chair de toutes les menaces Nous le fruit oblique de leurs peurs Nous la gueule ouverte aux pluies acides Nous le choléra avant la peste Nous la rouille sous le lustre Nous le sable du désert Nous ce grain de sable qui grippe la machine d'occident Nous la cause de la catastrophe climatique Nous de toutes les catastrophes qu'ils désignent dans nos ombres Nous le paysage du lointain qui menace les paysages de l'ici Nous le surnuméraire liquidé avant la faillite Nous le remplacement des peuples Nous la division jusque dans leur pureté Nous le travail sans salaire qui divise la terre Nous sous la terre & sans valeur Nous l'ilote soumis à notre seule valeur d'offre & de demande Nous le joug qui continuera de nous faire baisser la tête Nous l'acharnement à dire oui à tout maître à toute substitution du maître Nous le vide qui devance le rebord Nous la tentation d'y flotter plus longtemps que le néant Nous le vocable qui écorche la bouche des blancheurs Nous la boue qui macule la langue blanche de toutes leurs blancheurs Nous la goutte de sang plus lourde que la boue qui s'infiltre en nos veines Nous de cette goutte qui perle à la plaie de nos regards éteints Nous les funambules des frontières Nous la pendaison aux grilles de l'unique frontière Nous l'extrême nord de notre potence Nous la corde plus que le corps qui y pendra Nous le soupir avant l'abattoir Nous le naufrage qui emporte les démocraties Nous l'écho sous-marin du marché libre Nous la petite marée des embarcations chavirées Nous la mer qui n'est jamais la mer Méditerranée lorsque l'on s'y noie Nous la souillure des plages si blanches que l'on dirait de la chaux Nous le quasi-silence de nos bronches de sel Nous le vague & nous la vague qui rapportera notre cadavre Nous le renflement d'un cadavre qui aura rêvé avec l'abysse Nous l'abysse qui portera encore & encore si peu d'écume & de rêve Nous le corps noyé que l'on pendra quand même pour l'exemple Nous le spectre sans yeux & sans nom que l'on exhibera jusqu'à la fin des fins Nous avec nos sœurs les corneilles si noires de nos yeux & de notre nom dévorés Nous la fin des fins de tous nos exils Nous dans la détestation du nous Nous jusque dans la disparition de nous

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