ein sof

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La ville me rumine plus lentement que je ne me dissous en elle. J'ouvre des portes. Entre la terre et le silence. La poussière volette. Retombe, avec tout ce qui est encore réel dans la poussière. Les immeubles vides ont la couleur du brasero et sans trêve ils recrachent mes rêves poisseux. Ce soir, rien ne demeure de l'humanité. L'infini ressemble à une tombe. Quelques satellites, quelques drones, quelques mythes, l'épiphanie qui guette. L'éternité se digère mal à la fermeture du ciel.

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J'ai ramassé une seringue vide et m'en suis fait un crucifix. Je n'y crois pas. Je ne crois pas à la fonction. Le sang caille enfin entre mes dents cassées. Un peu d'espace pour les astres. La fumée de la cigarette existe avant la cigarette, comme la détonation avant le peloton. Tout passe. Tout passe et toute la planète souffre d'être rétrécie à ma mâchoire brisée.

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Mais il ne reste que moi, et j'y demeure enfermé. Le petit tapis roulant de la caisse de la grande surface emporte mes rêves de Byzance, et, au loin, au coin d'un soupir, c'est la nébuleuse d'Orion qui se penche sur ma faim. Des langoustes plus grandes que l'hiver dansent un tango lent entre mes pas. Je n'aime pas beaucoup les animaux, ils me rappellent trop souvent ce que nous ne sommes pas. Des crucifix sous cellophane. Extase au rabais. J'habite le dernier terrier avant l'extinction.

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Âmes entre deux flots, nous n'existons que par incertitude. Notre présence au monde se résume aux battements éternels des portes du métro. La débauche nous a débauché la vie, et il n'y a plus que des rues vides tout autour de nos incertitudes. Appartement petit, avenir étroit. Nous ne sommes qu'une incarnation de la pluie. Averse silencieuse d'une matinée de novembre. Il pleut toujours au-dessus de la friche industrielle de nos souvenirs.

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Ils étaient beaux comme le désespoir. Que pouvaient-ils encore espérer ?

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Je me suis pendu par les intestins hier soir. N'ai pas eu besoin de barbelés cette fois. On m'a décroché au petit matin, et je suis retourné au travail. Avec les autres des souterrains. Entre nous, il y avait un silence d'ombre. À la pause déjeuner, elle m'a montré les bêtes. Puis elle m'a montré le fusil. Je n'ai pas mangé aujourd'hui.

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Je mange des mûres sous un ciel de la même couleur. Rien n'y brille. Qu'est-ce qui nous distingue ?

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Couvre-feu. On s'enfuit, se faufile, trouve une solution à notre cœur de marchandise. De l'underground, tu ne préserves que la mélancolie des roches. Des larves et des laves pour toute chaleur. En négativité de ton ombre, tout ce qui est encore réel brûlera. On se le promet. Et l'effroi volettera, si peu. Nous soulèverons une dernière fois la terre. La mastiquerons lentement. Le ver aura remplacé notre espoir, et nous nous installerons dans un sous-sol pour imaginer des ciels sans satellites.

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Nous marcherons à vos côtés jusqu'au néant, mais nous ne ferons pas un pas de plus.

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Nous préférons à toute consommation la consumation de notre être.

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